Galilée des Gentils ?

Galilée des Gentils?

par William Finck

 

Cette phrase «Galilée des Gentils» apparaît en Matt. 4:15 et est une citation d’Ésaïe 9:1 (où l’A.V. [Authorized Version of the King James Bible] la traduit par «Galilée des nations»). Matt. 4:14 infère que la prophétie d’Ésaïe fut accomplie lorsque Yahshua quitta Nazareth (Matt. 4:13) pour la «Galilée des Gentils». Mais l’accomplissement de la prophétie d’Ésaïe, était-ce seulement cela ? Et Matt. 4:16, qui cite Psaumes 23:4? Certainement PAS! Au contraire, c’était uniquement le début de l’accomplissement de la prophétie, qui prendra pas mal de temps pour s’accomplir pleinement.

Après cela, Matthieu décrit l’appel des apôtres par Yahshua (4:18 et suiv.), onze d’entre eux étant de la tribu de Benjamin. Une discussion sur le douzième, Judas Ish Kérioth, sortirait du propos de cet article. Beaucoup d’entre les Benjamites et Lévites s’installèrent en Galilée après le retour de Babylone, c’est évident d’après les Écritures. Saül de Tarse, appelé beaucoup plus tard, était aussi de la tribu de Benjamin (Rom. 11:1). Lorsque l’ancien Royaume d’Israël fut divisé après la mort de Salomon, Benjamin resta avec la tribu de Juda dans ce but même (1 Rois 11:9--13, 36). Les apôtres de cette tribu accomplissaient leur devoir en tant que porteurs de lumière pour Israël.

À l’origine, cependant, la Galilée ne faisait pas partie du territoire de Benjamin. Lorsque le pays fut originellement divisé, l’appellation «Galilée» fut étendue aux villes du territoire de Nephtali (voir Josué 20:7). Ésaïe aurait-il affirmé que la région de Galilée en Palestine appartenait aux «Gentils», ou même à des «nations» non-israélites, sachant que ce pays appartenait à Israël? C’est pour le moins improbable. Mais en lisant Ésaïe 9:1, cependant, on s’aperçoit que la «Galilée des Nations» signifie bien plus que cela.

Comment Zabulon et Nephtali pourraient-ils être affligés par le «…chemin de la mer, au-delà du Jourdain, la Galilée des Nations»? Cette appellation ne décrit pas du tout la mer de Galilée, et il n’existe aucun passage dans l’Ancien Testament décrivant un quelconque trafic maritime par Zabulon ou Nephtali dans cette petite contrée. Même du temps du Christ, la mer de Galilée n’était parcourue par rien d’autre que par des petits bateaux de pêche. Que signifie donc vraiment cette phrase?

Le mot «au-delà» en Ésaïe 9:1, traduction de ’eber en hébreu (Strong #5676), peut aussi signifier «opposé», parmi d’autres choses. C’est de ce mot que les noms Éber et Hébreu sont dérivés. Dans l’A.V., le mot est traduit par de nombreux termes, «(venir) de, au-delà, passage, quartier, autre côté, ce côté, devant, etc.» selon Strong. La plupart de ces termes conviennent au contexte dans lequel ils apparaissent. Le mot est traduit, par exemple, par «rapport» dans l’expression «par rapport à» en Exode 25:37, que le King James Study Bible de Thomas Nelson relie à «en face de» dans une note, et est traduit par «de ce côté» [B]  [B] «de l’autre côté» dans ma version française (N.D.T.) en Nombres 22:1 ; 32:19 et 32. L’utilisation de ce mot en Ésaïe 9:1 ne nécessite donc pas que la «mer» ou «le chemin de la mer» référé ici signifie l’est du Jourdain ou la mer de Galilée, mer qui est en fait la source de la rivière, et pas du tout «au-delà» de celle-ci.

Le mot «Galilée» (Strong #1551) est dérivé du mot hébreu geliylah (#1552), qui signifie «un circuit» ou «une région». En hébreu, le nom propre et le nom qui en est dérivé sont écrits avec les mêmes caractères (consonnes) mais avec différentes voyelles (points sur les consonnes). En paléo-hébreu de l’époque d’Ésaïe, sans voyelle et tout en lettres capitales comme c’était l’usage en ce temps-là, ces deux mots sont indiscernables. Il est évident qu’ils peuvent facilement être confondus.

La «mer de Galilée» ne fut jamais appelée comme cela dans le Royaume de la période de l’Ancien Testament. Le terme «Galilée» n’apparaît qu’en Josué 20:7 ; 21:32 ; 1 Rois 9:11 ; 2 Rois 15:29 ; 1 Chron. 6:76 et Ésaïe 9:1. «Galilée» n’était en réalité que le nom d’une région indéfinie dans le nord d’Israël, dont une partie au moins se trouvait sur le territoire de Nephtali. La «mer de Galilée» est toujours appelée la «mer de Kinnéreth» (ou «Génésareth», Strong #3672), mentionnée en Nombres 34:11 ; Deut. 3:17 ; Josué 11:2 ; 12:3 ; 13:27 et 19:35. De plus, il est absolument clair d’après les Écritures que la moitié des côtes de la mer de Galilée fut adjointe à la terre appartenant à la tribu de Nephtali, le reste étant adjoint aux terres des Gueshuriens et des Maacathiens (Deut. 3:14 ; Josué 13:7--13). Gueshur était considéré comme une partie de la terre d’Aram, ou Syrie. Les Araméens étaient des Sémites et parents des Israélites. Les Maacathiens étaient apparemment aussi parents des Israélites (Gen. 22:24), bien qu’ils formaient un royaume à part (1 Chron. 19:6--7).

Genèse 49:13 déclare que Zabulon habiterait parmi les bateaux bordant Sidon : «Zabulon logera sur la côte des mers, et sera sur la côte des navires ; et son côté sera près de Sidon». La pays hérité par Zabulon ne fut jamais du côté de Sidon ni près d’aucune mer (Josué 19:10--16)! Mais il devrait maintenant être évident que la «Galilée des Gentils» n’indique pas du tout la «mer de Galilée». En fait, «Galilée des Gentils», ou même «Galilée des Nations», n’a aucun sens.

Cependant, si l’on est au courant des anciennes migrations du peuple d’Israël en Europe, alors la lecture d’Ésaïe 9:1 : «…et plus tard les affligea grièvement par le chemin de la mer opposée au Jourdain, dans la région des nations» prend tout-à-fait du sens! Et où les porteurs de lumière de Benjamin allèrent-ils après la Passion, en quittant la Palestine? Vers le peuple marchant dans les ténèbres — en Europe et en Asie Mineure.

La plupart des soi-disant «érudits», et tout spécialement les «Juifs», voudraient nous faire croire que les marins phéniciens de Tyr, de Sidon et d’ailleurs étaient un peuple distinct des Israélites, et qu’ils étaient Cananéens de surcroît. Si cela avait été le cas, alors, lorsque les Phéniciens accostèrent ce qui est de nos jours appelé l’Espagne et le Portugal, ils auraient du appeler cet endroit «Sidonia» ou «Canaania», et pas Ibéria (le pays d’Éber, c’est-à-dire «le pays des Hébreux»). Un examen des Écritures, et plus spécialement de la Septuagint, révèle que le peuple que les Grecs appelaient «Phéniciens» (et ce mot n’apparaît pas du tout avant Homère, qui était sans doute un contemporain d’Osée et d’Ésaïe) était certainement des Israélites. Mais même la Septuagint confond parfois, dans sa traduction, les Cananéens avec les «Phéniciens», ce qui était compréhensible en 280 avant JC, lorsque cette édition fut traduite, car longtemps après que les Israélites aient été déportés par les Assyriens et qu’ils furent partis, les Grecs continuèrent à appeler la contrée «Phénicie», et ils continuèrent à appeler les Cananéens qui habitaient là, avec les quelques Israélites restants, des «Phéniciens».

Josué 11:8, dans l’A.V., déclare : «Et Yahweh les livra [les Cananéens] en la main d’Israël ; et ils les frappèrent, et les poursuivirent jusqu’à Sidon la grande, et jusqu’à Misrephoth-Maïm, et jusqu’à la vallée de Mitspé, vers le levant ; et ils les frappèrent jusqu’à ne pas leur laisser un réchappé». En Josué 13:6, nous lisons : «Tous les habitants de la montagne, depuis le Liban jusqu’à Misrephoth-Maïm, tous les Sidoniens. Moi, je les déposséderai devant les fils d’Israël. Seulement, répartis par le sort ce pays en héritage à Israël, comme je te l’ai commandé». Le nom «Sidon», ou «Zidon» parfois, décrivait à la fois une cité sur la côte de Palestine et la région aux alentours. Il décrivait aussi les descendants cananéens de Sidon (Gen. 10:15) qui y habitaient.

Plus tard, nous voyons que, bien que des Israélites habitaient certainement cette région, ils ne réussirent pas à chasser tous les Cananéens et les autres tribus apparentées : «Et ce sont ici les nations que Yahweh laissa subsister pour éprouver par elles Israël, savoir tous ceux qui n’avaient pas connu toutes les guerres de Canaan … cinq princes des Philistins, et tous les Cananéens et les Sidoniens et les Héviens qui habitaient dans la montagne du Liban, depuis la montagne de Baal-Hermon jusqu’à l’entrée de Hamath» (Juges 3:1--3). La région et la cité de Sidon devint une partie du territoire de la tribu d’Aser, comme il est décrit en Josué 19:24--31, et on nous informe aussi en Juges 1:31 que les Cananéens continuèrent à habiter dans la ville. Mais Tyr, qui devint rapidement la ville «phénicienne» la plus importante, se trouvait également sur le territoire d’Aser — ou du moins la cité principale l’était, car il n’est pas encore fait mention de l’île proche des côtes — et notez qu’il n’est fait mention nulle part de Cananéens restant à Tyr.

Le Septuagint (LXX) dit en Josué 19:28--29, à propos de l’héritage d’Aser : «Et Elbon, et Raah, et Ememaon, et Canthan jusqu’à Sidon la grande ; et la frontière tournait vers Rama, et les fontaines de Masphassat, et les Tyriens …». Mais un peu plus loin, en discutant de l’héritage de Nephtali, en 19:35 : «Et les villes fortes des Tyriens, Tyr, et Omathadaketh, et Kenereth …» ; assez différent de la version trouvée dans l’A.V. Bien que n’appartenant pas au territoire de Nephtali, Tyr, sur les côtes du territoire d’Aser, fut-elle héritée par Nephtali? Ou bien ceci se réfère-t-il à l’île au large des côtes? Il m’est impossible de le dire précisément avec les données dont je dispose actuellement. Quand on lit les textes en 1 Rois 9:11--13 et 2 Chron. 8:2, on comprend évidemment que les gens de Nephtali n’habitaient pas sur tout le territoire dont ils avaient hérité en Galilée, car à l’époque de Salomon, celui-ci dut effectuer un repeuplement de la plupart des cités de cette région.

On peut discerner, en Juges 5:17 dans l’A.V., qu’Aser habitait les côtes de la mer Méditerranée, et non pas «les Cananéens» : «Aser est resté au bord de la mer, et il est demeuré dans ses brèches», où «brèche» est le mot hébreu miphrats (#4464) et peut être traduit par «port» ou «anse», le mot signifiant «une brèche (dans la côte), c-à-d. un port» (Strong). Dans les archives égyptiennes de la 18e dynastie, qui précède la conquête de Canaan par les Israélites, Tyr est appelée «T’aru le port», et il est dit de l’île au large des côtes : «l’eau y est apportée sur des barques, elle est plus riche en poissons qu’en sable» (Encyclopedia Britannica, 9e édition, p. 817).

La présence israélite à Tyr et à Sidon, à l’époque même où les prétendus «Phéniciens» commençaient à avoir la suprématie sur les mers, est donc absolument indéniable. En 2 Sam. 24:2--7, par exemple, le Roi David envoie Joab afin de dénombrer le peuple d’Israël, et Tyr et Sidon se trouvent parmi les endroits où Joab se rend. En un autre endroit sur la côte, Élie visite la veuve de Sarepta (Tsarephath), et bien sûr cette noble femme n’est pas une Cananéenne.

Amos 3:11, une partie de la prophétie contre Israël, où l’A.V. déclare «Un ennemi sera tout autour du pays», la LXX dit : «Ô Tyr, ton pays sera fait désolé tout autour de toi». Michée 7:12, dans une autre prophétie dirigée contre Israël, se lit dans la LXX : «Et tes villes seront détruites et partagées parmi les Assyriens ; et tes villes fortes seront divisées de Tyr à la rivière, et de mer à mer, et de montagne en montagne». Et ainsi les prophètes témoignent aussi que les Israélites habitaient la ville de Tyr, même si ces citations manquent dans l’A.V.

C’est seulement bien après les déportations des Israélites que les auteurs grecs nous parlent de «Cananéens» en Phénicie, alors que les Israélites en avaient été enlevés depuis longtemps. Les habitants de la partie de la ville de Tyr située sur l’île, cependant, ne furent jamais déportés par les Assyriens ou les Babyloniens, bien que la partie continentale de la cité fut détruite par Nebucadretsar (Ézéch. 26). Après le début de la période perse, les habitants de Tyr furent assujettis à la Perse et ils étaient, à cette époque, déjà retourné sur la partie de la ville située sur la terre ferme. La ville sur l’île fut détruite pour de bon par Alexandre le Grand aux environs de 330 av. JC. Il est pourtant évident que bien des Israélites demeurèrent dans cette zone et maintinrent leur identité durant une longue période, puisque nous avons Anne la prophétesse, de la tribu d’Aser, à Jérusalem, du temps de la naissance du Christ (Luc 2:36).

On pourrait en dire beaucoup plus sur ce sujet, non seulement grâce aux Écritures, mais aussi à partir de l’Histoire et de l’archéologie, qui démontrerait que les Israélites ne faisaient qu’un avec les Phéniciens, qui étaient le peuple qui colonisa non seulement la grande majorité des côtes du nord de l’Afrique, ainsi que l’Espagne, mais aussi les Îles Britanniques, les côtes septentrionales de l’Europe, les côtes d’Anatolie (en Turquie aujourd’hui), et qui également composaient une bonne partie des populations des «Grecs» et «Romains» originaux, tous ces peuples ayant leurs racines soit dans les tribus d’Israël, soit étant des Sémites ou des Japhétites, tous venant des tribus de la Genèse 10. Mais je pense que cet article est suffisant pour illuminer la signification réelle de l’expression «Galilée des Gentils», en fait «la région des Nations», expression que l’on trouve en Ésaïe 9:1 et en Matt. 4:15.

Note : deux autres endroits contiennent l’expression «Galilée des Nations» dans les versions anglaises : Joël 3:4 dans la LXX (l’A.V. dit en cet endroit : «toutes les côtes de Palestine») et en 1 Macchabées 5:15 dans la LXX et dans les apocryphes de l’A.V. Cependant, dans la version grecque de la LXX, aux deux endroits, l’expression se lit Galilaíaς ἀllofúlwn (Galilaias allophulôn), ou littéralement «Galilée des autres tribus», «la région des autres tribus». Les traducteurs de la LXX firent la même erreur jadis avec ce mot, traduisant «Galilée» pour «galilée», erreur que j’espère avoir illustrée ci-dessus. Maintenant, ces versets peuvent ainsi être mieux compris dans leur contexte.